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17 août 2009 1 17 /08 /août /2009 15:06




Mémoires d’une jeune fille dérangée

Libres propos de  Marie-Thérèse Bouchard


vendredi 14 août 2009


Aujourd’hui, j’écris tout en ignorant pourquoi. Le superbe Hank, le sulfureux Fromageplus, tous ont déjà exprimé plus brillamment que moi ce que nous ressentons, nous, les vrais marginaux de la France République d’aujourd’hui. Que puis-je faire de plus? Peut-être vider mon sac une bonne fois pour toutes, en sachant pertinemment que cela n’ira pas mieux ensuite.


Dès l’enfance, je sentais que ma génération serait celle du schisme entre la France d’avant et la « France d’après ». Que tout se jouerait sur nous, qui avons entre 20 et 30 ans le 14 août 2009. Enfant je sentais déjà les miasmes dans l’air, je sentais déjà la trahison des miens quand mon frère se faisait battre dans la cour du collège de zep par des enfants qui n’avaient pas des prénoms à consonance française sans qu’aucun adulte responsable ne décide de sanctions. Je ne comprenais pas pourquoi à la cantine il y avait des repas sans porc, je ne comprenais pas pourquoi les instituteurs excusaient les voitures de nos parents qui brûlaient, je ne comprenais pas. J’étais douée à l’école car seuls les livres me semblaient dignes d’attention.


Il y a que ma mère ne supportait le niveau affligeant de ma classe et voulait que je sorte du lot. Ce fut chose faite, la maison était mon Eden et l’école mon pénitencier. Toute seule dans la cour de récré, j’entendais déjà les « sales françaises » qui m’étaient adressés quand ça faisait sourire les adultes, ces instits’ laïcards qui adoraient le voile si exotique de la maman de Rachid. J’entendais les rires et les insultes quand j’étais la seule de la classe a n’avoir fait pas de fautes à la dictée. J’ai sauté une classe, me demandant pourquoi, tout était linéaire, à mourir d’ennui, pauvre, aussi stimulant qu’une vhs de docu’ animalier, aussi vibrant, instructif et inattendu qu’une déclaration d’énarque.



Aussi curieux que cela puisse paraître, c’est mon amour du français qui m’a permis de mesurer la déchéance vers laquelle nous glissions le cœur plein d’allégresse. Ayant été nourrie avec les meilleurs livres de la littérature nationale, je m’étais habituée à un français impeccable, tout comme celui de mes parents qui ne sont après tout que des « beaufs », vous savez, ces derniers dinosaures, qui avaient des fins de mois difficiles mais qui payaient leur citroën saxo à crédit sans pleurnicher chez l’assistante sociale. Ces beaufs qui élevaient bien leurs enfants, sans recourir à l’aide d’un fonctionnaire pour leur enseigner la plus primaire des politesses. Ces beaufs racistes et xénophobes qui ont fait la France mais qui n’ont droit qu’à la rééducation et au mépris des classes dirigeantes. Ces beaufs qui m’ont servi de parents, m’ont parlé un français superbe toute mon enfance. Mon père avait une écriture de vicomte et ma mère m’apprenait des mots tels que « enguirlander », « geindre », « oindre » alors que je n’affichais pas un âge à deux chiffres. Aujourd’hui dans les films primés à Cannes, on voit un trentenaire expliquer à Samira et Boubaka que « John mange des cheese burgers succulents » et que « ouais, succulent ça veut dire grave bon tsais ». Voilà ce par quoi j’ai compris que nous marchions et que bientôt nous ferions la brasse dans la mélasse intellectuelle dans laquelle nous enfermions ma génération. Le langage texto ce n’est pas « pour gagner du temps », non, c’est juste que nous avons formé une génération qui dans le meilleur des cas regardera la définition d’un mot sur google, au pire se moquera éperdument de pouvoir s’enrichir un peu. Une génération pour qui le mot « encyclopédie » est obsolète et pour qui seul compte la facilité. Une génération qui n’aura jamais l’opportunité d’acquérir le réflexe de consulter en dictionnaire en cas de doute, comme mon beauf de père me l’a appris. A travers le français, à travers son assassinat, nous avions prémédité la mort de la paix en France. Quelqu’un qui n’a pas appris la langue d’un pays ne peut l’aimer. Il peut encore mieux éviter d’essayer de s’en faire la violence puisque des autochtones qualifiés lui expliquaient que le français c’est ringard, que ça doit « bouger », que les accents y’a pas à les mettre, ça fait chier tout le monde, bref la France ça fait chier.


L’apothéose de cette flagornerie a été atteinte lorsque dans l’émission de Ruquier (la première version, celle où Zemmour était remplacé par l’impolitiquement correct Miller), toutes les nuques de l’émission se sont courbées devant « Kiffe Kiffe Demain » de Faïza Guène. Quiconque a lu ce livre comprendra sans problème que ma désillusion bien entamée ait définitivement atteint son apogée à la lecture de ce détritus imprimé. Nous étions en plein boom de la chanteuse Diam’s, de Rohff et de 113, les animateurs et journalistes souriaient à la caméra en lâchant irrégulièrement des petits mots de verlans, Jean-Baptiste écoutait du rap (alors) en cachette de ses parents. So young, so urban, so cute. Les grandes marques dessinaient pour les enfants de dentistes des frusques directement inspirées du « street wear », Stéphane Bern recevait dans 20h10 pétantes un créateur de « Muslim Wear » (comment être musulman, fashion et passer à la télé), bref, au début des années 2000, je n’avais pas 15 ans mais je comprenais que les temps à venir ne seraient pas les plus tendres.


Au fur et à mesure que j’écris, je me rappelle d’une fille qui était avec moi à l’école primaire (qui n’a jamais aussi bien porté son nom par ailleurs). Elle s’appelait Juliette. Elle était blonde, blanche, vêtue comme une bobo en devenir et m’avait dit « je veux être noire ».

Il est très drôle de constater que ce que les réacs d’aujourd’hui comme Zem’ ou Finkie constatent avait déjà commencé dans les années 90 et bien avant je suppose. Je suis une enfant déçue, je suis une femme frustrée, je suis le fruit d’une génération sacrifiée.


Bien entendu, si quelqu’un de la génération de mes parents lit ceci, il ne comprendra pas. Ces derniers ont grandi dans les années 1970 : un monde sans chômage, où l’arabe du coin était ridé et avait un accent sympathique, un monde où les politiques avaient encore du pouvoir. Ils ont voté Mitterrand en 1981 et ont pleuré devant leur télévision comme l’étudiant en esc a pleuré devant l’élection d’Obama. Ils ont assisté à la naissance du mouvement gay, des féministes, des écologistes, des immigrationnistes, des pacifistes, de la légalisation de l’avortement, de sos racisme, ils ont assisté en même temps à la nôtre en pensant que tout ceci serait pour notre bien. Quiconque aujourd’hui leur prouverait le contraire serait un gosse pourri gâté qui fait un caprice. Eux bien entendu, pensent que le « malaise social » en France vient d’un manque de « communication », que demain tout ira mieux dans un pays avec une forte « mixité culturelle » et que le meilleur est à venir. J’appelle ça un régime soviétique. Quiconque sort du discours calibré est mis au trou à coups de procès de la halde, de ligues contre l’intolérance, comité contre le racisme et l’amour entre les peuples. Si vous avez vu l’Aveu, vous verrez à quel point le thème de la « paix » est abordé. Tout comme l’Inquisiteur torturait au nom de l’amour du Miséricordieux Jésus-Christ, notre liberté est prise en otage au nom du Vivre Ensemble. La France est laïque. Elle n’a pas de religion. Son Dieu est la Tolérance, engendré par la Vierge Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. A part ça tout va bien. Notre internet est filtré, les sites un chouia râleurs sont surveillés quand les commentaires appelant au djihad sous les vidéos de Dieudonné sont au vu de tous, surtout des plus abêtis et donc des plus dangereux (mais souvenons-nous que c’est notre propre école qui les rendu aussi flasques du cervelet). Les livres ne se vendent plus, la fnac regorge de bouquins écrits par des nègres (tiens, on peut encore l’utiliser ce mot ?) racontant le destin hors du commun d’une miss France lancée dans un combat contre la sclérose en plaques, d’une petite fille de 10 ans mariée de force au nom de l’islam, le dictionnaire du parler banlieue et de dvd’s de Bienvenue chez les Ch’tis. La France d’aujourd’hui : le people, l’islam honteux « mais attention il ne faut pas stigmatiser » et le français de souche qui boit de la soupe mais qui trouve qu’elle a un bon goût de terroir.


Aujourd’hui j’ai mal. J’ai mal pour mon pays. J’ai mal pour sa langue. J’ai mal de ne supporter plus personne car plus je constate l’étendue des dégâts plus je suis confrontée à « l’inaction des gens de bien ». J’ai mal de ne plus tolérer aucune intervention sur quelque média que ce soit car tout ceci n’est qu’une immense méthode Coué. « Tu remarques que ce sont toujours les mêmes qui foutent la merde ? Il ne faut pas stigmatiser. Tout le monde s’aime en France. Tout va bien, tout va bien, tout va bien ». Au pays de Voltaire, Pangloss est devenu Roi. Je suis malade, voyez-vous. Je suis malade des gens que je rencontre qui à 20 ans à peine ont un discours calibré comme s’ils sortaient d’un stage des Jeunesses Communistes. J’ai mal de haïr un artiste quand je l’entends parler des sans papiers et des Indigènes de la République. J’ai mal de ne pas être représentée dans les médias, j’ai mal que des places soient réservées dans les Grandes Ecoles à ceux qui étaient à la même que moi et qui n’ont jamais goûté à l’effort. J’ai mal d’être le mouton qu’on tond et qu’on insulte de « facho » car mes arguments font peur. J’ai mal de n’avoir aucun véritable ami car toute ma vie « sociale » n’est qu’une mascarade à l’université entre étrangers bourgeois naïfs et français bobo. Ces irresponsables dont le seul combat est le retrait de la loi Lru et qui pensent que mes parents sont riches car mon élocution est bonne et mes vêtements propres. Je ne supporte plus mes « amis » bouffis de clichés en pensant détenir la vérité, alors que leur maison est dans un patelin de 300 âmes. J’ai mal de me dire de n’avoir véritablement aucun ami. J’ai mal d’être le stéréotype de la personne qu’il ne faut pas être en 2009. Je suis marginalisée dans mon pays, que tant de gens que j’apprécie sont ravis de quitter pour la Corée, la Chine, le Japon et autres contrées des Antipodes.


J’ai mal pour ma mère qui a vu son pays changer en 30 ans, mal pour mes futurs enfants, mal pour mon frère qui a passé ses années collège la boule au ventre, mal de me dire que l’expatriation sera peut-être la seule solution. J’ai mal de ne pouvoir que la fermer quand j’entends mes camarades de faculté vanter les mérites de la discrimination positive.

J’ai mal quand les bourgeois achètent du quinoa pour aider l’agriculteur bolivien et détournent les yeux du sdf en bas de chez eux. J’ai mal pour mes parents qui sont magnifiques de dignité et qui ne recevront jamais aucune aide du contribuable. J’ai mal car leurs valeurs ne sont pas récompensées mais piétinées. J’ai mal car c’est à travers celle-ci qu’ils m’ont façonné, « élevé » comme une femme honnête et droite dans ses bottes.


J’ai mal car je suis quelqu’un de bien qui ne se retrouve pas dans le pays qui est le sien.

Je suis Marie-Thérèse Bouchard, et je suis une jeune fille dérangée.



ÊTRE "DERANGEE" DANS UN ASILE DE FOUS...CA COMPENSE, DOCTEUR ?!...

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